Vous regardez une vidéo sur l’alimentation végétalienne – et soudain, votre fil d’actualité en est rempli. Vous cliquez sur un article d’opinion politique – et dans les jours suivants, on ne vous propose presque que des contenus similaires. Hasard ? Pas vraiment. Bienvenue dans la bulle de filtres.
C’est quoi, une bulle de filtres ?
Le terme « bulle de filtres » désigne le phénomène selon lequel nous ne voyons en ligne que des informations qui correspondent à ce que nous avons déjà lu, cliqué ou aimé. Cela est rendu possible par ce qu’on appelle des algorithmes : des programmes qui analysent nos centres d’intérêt pour nous proposer du contenu similaire.
Autrefois, c’était relativement simple : quelqu’un qui consultait souvent des sites de sport recevait davantage de contenus sportifs. Aujourd’hui, les choses sont bien plus complexes. L’intelligence artificielle (IA) et le machine learning entrent en jeu – des systèmes capables d’« apprendre » à partir d’énormes volumes de données comment nous fonctionnons. Et souvent avec une grande précision.
Pratique – ou problématique ?
Bien sûr, lorsque vous cherchez une pizzeria, il est utile que les moteurs de recherche vous proposent des adresses proches plutôt que des offres à Naples. Sur les réseaux sociaux aussi, des contenus personnalisés peuvent être agréables – ils rendent la navigation plus rapide et plus fluide.
Mais c’est justement là que le danger commence : en ne voyant que des contenus qui confirment notre propre opinion, on risque d’ignorer d’autres points de vue. Et plus on consomme des contenus allant dans le même sens, plus on en reçoit. Un cercle vicieux qui se renforce de lui-même – souvent sans qu’on s’en rende compte.
Ce phénomène est aussi appelé chambre d’écho : on n’entend et ne voit plus que ce que l’on pense déjà. D’autres opinions peuvent alors sembler extrêmes – voire carrément fausses.
Pourquoi c’est comme ça : la personnalisation est rentable
Le filtrage et la personnalisation des contenus par les plateformes n’est pas un hasard – c’est au cœur de leur modèle économique. Les bulles de filtres sont souvent rentables : un utilisateur qui se sent confirmé reste plus longtemps, clique davantage sur les publicités ou souscrit à un abonnement. Cela augmente la portée, les interactions – et donc les revenus.
Plus les contenus sont adaptés à une personne, plus il est facile de prévoir son comportement – et de l’influencer. Il existe donc un lien étroit entre personnalisation, formation de l’opinion et intérêts économiques.
Les algorithmes – loin d’être neutres
Même si beaucoup de choses se passent automatiquement, les systèmes derrière ces recommandations ne sont pas neutres. Ils sont conçus par des humains, avec des objectifs précis : capter l’attention, afficher de la publicité, générer des clics. Et ils ne prennent pas de décisions « objectives » – mais des décisions très probables, fondées sur ce qui fonctionne statistiquement bien chez beaucoup d’utilisateurs.
L’IA ne décide donc pas de manière neutre, mais selon des règles qu’on lui a enseignées. Et les données utilisées pour entraîner ces systèmes ne sont pas toujours équilibrées – ni exemptes d’erreurs.
Que peut-on faire face à cela ?
Pas besoin de rejeter totalement la technologie. Mais il est utile de comprendre comment ces systèmes fonctionnent – et comment nous pouvons agir avec plus de conscience.
- Posez-vous des questions : pourquoi ce contenu m’est-il proposé maintenant ?
- Utilisez les fonctions de recherche activement au lieu de vous laisser porter par les fils d’actualité.
- Osez lire des points de vue différents du vôtre – cela peut en valoir la peine.
- Testez l’outil interactif www.filterbubble.lu : il vous montre à quel point vous évoluez dans une bulle de filtres – et ce que vous pouvez faire concrètement.
- Pensez à vos traces numériques : notre article Traces numériques : ce que les autres peuvent apprendre sur vous – et comment vous protéger » explique ce que les plateformes savent sur vous et comment mieux vous protéger.
Oser plus de diversité
On ne peut pas éviter totalement les bulles de filtres – et ce n’est pas forcément nécessaire. Elles peuvent nous aider à gérer la surcharge d’informations. L’essentiel, c’est de ne pas oublier qu’il existe toujours plus d’un point de vue.
Celles et ceux qui consomment les médias de manière réfléchie, qui consultent différentes sources et qui ne partagent pas tout à la va-vite ont de bonnes chances d’échapper à une vision numérique trop étroite. Il suffit parfois d’oser sortir de sa bulle.








